Le couscous et le raisin blanc : épisode 1
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Il était une fois, il y a très longtemps, deux frères. Ils habitaient dans un même hameau. Seulement l’un d’eux était nanti et l’autre démuni.
Le nanti faisait vivre aisément sa famille, ses enfants arboraient de belles tenues pendant les fêtes. Le démuni peinait à faire vivre les siens.

Une année particulièrement difficile(invasion de criquets) poussa ce dernier à se mettre sur le chemin de la quête de Dieu, afin de s’enquérir sur le sort qui lui est réservé sur Terre et demander sa part des biens qui lui reviennent dans le monde d’ici-bas. Ainsi, laissant les siens se nourrir des insectes ravageurs, il décida de prendre la direction de la grande montagne nommée “Adrar n’Lkst”(la montagne de l’Est, en Tamazight).
Encore de nos jours subsiste, au sommet de ce mont, une ruine où vivait jadis un ermite. C’est au-delà de ce sommet que le démuni espérait voir ses questions trouver écoute bienveillante.
Son bâton de pélerin en main, ses maigres victuailles dans un sac de fortune(quelques vieilles dattes, de la farine d’orge pilée et une outre en peau de brebis que sa femme lui a remplie d’eau), il partit à l’aurore. Il marcha toute la matinée sous un soleil de plomb.
Au zénith, il fit une petite halte sous un rocher en forme de caverne que les anciens du cru nommaient “Ifri y’imkharn”(la grotte des voleurs). Là, il se sustenta en préparant la collation traditionnelle: mouiller un peu de farine d’orge avec de l’eau, et constituer dans le creux de la main une boulette que les aïeuls appelaient “Toummit”.
Il reprit son chemin. Au coucher du soleil, il aperçut une masure en pise dissimulée derrière la végétation à l’écart d’un sentier. Il s’en approcha et toqua trois fois, par habitude des anciens. Quelques temps après, la porte s’entre-ouvrit doucement et derrière celle-ci une voix de femme demanda:
- “Matta ghwan a’Rbi ?”(qui est là au nom de Dieu ?)
L’homme rédondit:
- “Nik a’Rbi, dif’llah”(C’est moi, je demande votre hospitalité).
Il parla de son long chemin de marche et dit qu’il était épuisé. La femme sortit sa main et lui indiqua le poulailler, sans mot dire. Au petit jour, le mari rentra en claquant la porte. Sa femme, réveillée en sursaut, accourut.
L’homme grogna:
- “J’ai vu des pas arriver à notre maison, qu’en est-t-il ?”

La femme supplia:
- “S’il te plait, c’est un voyageur qui a demandé notre hospitalié. Je lui ai indiqué le poulailler pour se reposer. Je te supplie de l’épargner, puisqu’il est notre hôte.”
Le mari était connu pour être un bandit sans âme ni loi, qui détroussait et tuait ses victimes, là où il les rencontrait. Le hors la loi exprima sa rage, élevant ses mains en un geste désordonné.
Fin du premier épisode.